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 Joris-Karl Huysmans, A Rebours (dernière page)

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AuteurMessage
jenninou
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jenninou


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Joris-Karl Huysmans, A Rebours (dernière page) Empty
MessageSujet: Joris-Karl Huysmans, A Rebours (dernière page)   Joris-Karl Huysmans, A Rebours (dernière page) EmptyMer 25 Juil - 17:31

Décidément, il ne lui restait aucune rade, aucune berge. Qu'allait-il devenir dans ce Paris où il n'avait ni famille ni amis? Aucun lien ne l'attachait plus à ce faubourg Saint-Germain qui chevrotait de vieillesse, s'écaillait en une poussière de désuétude, gisait dans une société nouvelle comme une écale décrépite et vide! Et quel point de contact pouvait-il exister entre lui et cette classe bourgeoise qui avait peu à peu monté, profitant de tous les désastres pour s'enrichir, suscitant toutes les catastrophes pour imposer le respect de ses attentats et de ses vols?

Après l'aristocratie de la naissance, c'était maintenant l'aristocratie de l'argent; c'était le califat des comptoirs, le despotisme de la rue du Sentier, la tyrannie du commerce aux idées vénales et étroites, aux instincts vaniteux et fourbes.

Plus scélérate, plus vile que la noblesse dépouillée et que le clergé déchu, la bourgeoisie leur empruntait leur ostentation frivole, leur jactance caduque, qu'elle dégradait par son manque de savoir-vivre, leur volait leurs défauts qu'elle convertissait en d'hypocrites vices; et, autoritaire et sournoise, basse et couarde, elle mitraillait sans pitié son éternelle et nécessaire dupe, dire que je vais rentrer dans la turpide et servile cohue du siècle! Il appelait à l'aide pour se cicatriser, les consolantes maximes de Schopenhauer, il se répétait le douloureux axiome de Pascal « L'âme ne voit rien qui ne l'afflige quand elle y pense », mais les mots résonnaient, dans son esprit comme des sons privés de sens son ennui les désagrégeait, leur ôtait toute signification, toute vertu sédative, toute vigueur effective et douce.

Il s'apercevait enfin que les raisonnements du pessimisme étaient impuissants à le soulager, que l'impossible croyance en une vie future serait seule apaisante.

Un accès de rage balayait, ainsi qu'un ouragan, ses essais de résignation, ses tentatives d'indifférence. Il ne pouvait se le dissimuler, il n'y avait rien, plus rien, tout était par terre; les bourgeois bâfraient de même qu'à Clamart sur leurs genoux, dans du papier, sous les ruines grandioses de l'Église qui étaient devenues un lieu de rendez-vous, un amas de décombres, souillées par d'inqualifiables quolibets et de scandaleuses gaudrioles. Est-ce que, pour montrer une bonne fois qu'il existait, le terrible Dieu de la Genèse et le pâle Décloué du Golgotha n'allaient point ranimer les cataclysmes éteints, rallumer les pluies de flamme qui consumèrent les cités jadis réprouvées et les villes mortes? Est-ce que cette fange allait continuer à couler et à couvrir de sa pestilence ce vieux monde où ne poussaient plus que des semailles d'iniquités et des moissons d'opprobres?

La porte s'ouvrit brusquement; dans le lointain, encadrés par le chambranle, des hommes coiffés d'un lampion, avec des joues rasées et une mouche sous la lèvre, parurent, maniant des caisses et charriant des meubles, puis la porte se referma sur le domestique qui emportait des paquets de livres. Des Esseintes tomba, accablé, sur une chaise. - Dans deux jours je serai à Paris; allons, fit-il, tout est bien fini; comme un raz de marée, les vagues de la médiocrité humaine montent jusqu'au ciel et elles vont engloutir le refuge dont j'ouvre, malgré moi, les digues. Ah! le courage me fait défaut et le coeur me lève! - Seigneur, prenez pitié du chrétien qui doute, de l'incrédule qui voudrait croire, du forçat de la vie qui s'embarque seul, dans la nuit, sous un firmament que n'éclairent plus les consolants fanaux du vieil espoir!
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