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 GF Corpus - L'INTERTEXTUALITE - Sophie Rabau

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Circé

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MessageSujet: GF Corpus - L'INTERTEXTUALITE - Sophie Rabau   GF Corpus - L'INTERTEXTUALITE - Sophie Rabau EmptySam 27 Sep - 11:51

Pour prendre la mesure de ce qu’on appelle depuis 1969 l’intertextualité, il faut accepter de bousculer la chronologie, établir entre les textes des réseaux qui n’ont rien de linéaire et font des œuvres littéraires le bien fondé de plusieurs écrivains. Et si le sens des textes littéraires résidait non dans ses causes extérieures, le monde, l’auteur ou les sources de l’écrivain mais dans le rapport que les œuvres entretiennent entre elles ?
L’intertextualité ne se réduit pas au simple constat que les textes entrent en relation avec un ou plusieurs autres textes (les intertextes). Elle engage à repenser notre monde de compréhension des textes littéraires, à envisager la littérature comme un réseau informatique où chaque texte transforme les autres qui le modifient en retour.

L’intertextualité comme poétique du texte
La notion constitue une vraie rupture avec les notions de source ou d’influence qui servaient alors à étudier les relations entre les textes. Elle a une fonction définitoire et une fonction opératoire. Elle sert à définir la littérature comme à analyser les procédés littéraires.
Etudier ce que le texte fait des autres textes, comment il les transforme, il les assimile ou les disperse et non en quoi les textes qui le précèdent peuvent permettre d’expliquer, étudier en quoi Baudelaire se réapproprie la Bible et non comment la Bible explique Baudelaire. Voilà la poétique de l’intertextualité.

Fonction définitoire de l’intertextualité
Hors le texte, le texte – Dans le texte, le hors-texte
La notion d’intertextualité permet de caractériser la littérature et tous les textes sont concernés. Kristeva élargit la notion de dialogisme en disant que le « tout texte » intéresse l’écriture alors que pour Bakhtine, la notion s’applique parfois à la prose, le plus souvent au roman mais en aucun cas à l’écriture en général. Selon Riffaterre, la littérature n’a rien à voir avec le réel, elle renvoie à des systèmes de textes mais non pas au monde. Le dehors du texte est encore du texte. Cette idée est essentielle dans le contexte structuraliste qui repose sur une idée d’une clôture du texte littéraire. L’intertextualité est un moyen d’élargir la notion de texte clos, de penser l’extériorité du texte sans renoncer à sa clôture.

L’auteur, le monde et l’intertextualité
Mort de l’auteur et illusion référentielle
Sous l’influence de Barthes ou de Foucault, l’auteur est proclamé mort : il n’est qu’une invention de l’époque moderne, le texte ne lui appartient pas et il n’est pas dépositaire de son sens. La notion d’intertextualité, parce qu’elle permet de faire l’économie de causes non verbales du texte littéraire, va être un instrument très efficace pour penser et confirmer ce refus de l’auteur.
1/ L’idée que les textes communiquent entre eux, que la littérature peut se lire comme la somme des leurs relations met à mal l’idée d’individualité auctoriale : les mots, les textes littéraires n’appartiennent pas à un sujet singulier que distinguerait son originalité mais sont un bien commun où chacun peut puiser à sa guise.
2/ Qui produit le texte si l’auteur est mort ? c’est le texte lui-même qui produit l’intertexte, qui le retravaille, qui lui donne sens. Le texte est un élément actif capable de productivité corollaire au refus de penser la production par l’auteur. Il n’est pas aisé de concevoir que le texte se produit lui-même, on se représente plus facilement 2 idées :
- un texte est une transformation d’un autre texte et en ce sens il agit sur lui et le travaille
- un texte représente ses propres sources, il invente ses origines et se produit donc lui-même.


L’auteur n’est pas tout à fait mort
1/ La personne de l’auteur fonde l’identité du texte :
Toute écriture est une réaction par rapport à l’autre qui m’a précédé et qui fait autorité. L’intertextualité est donc le retour du même sous la plume d’un autre. Exemple Fénelon qui emprunte les personnages de L’Odyssée pour écrire son Télémaque. L’identité de l’œuvre réside aussi par le lien complexe à son créateur.
Borges a envisagé le cas de deux auteurs différents écrivant rigoureusement le même texte. Il n’est plus possible de quantifier ressemblance et différence et il faut donc choisir entre deux positions théoriques :
- soit l’identité du texte littéraire réside dans son mot, sa lettre. On parle d’identité littérale. Dans ce cas on a bien donc deux textes identiques.
- Soit l’identité est plus sémantique que littérale. Elle réside dans la personne de son auteur, ses intentions, le contexte de production, le sens plus que la lettre et dans ce cas, ces deux textes sont différents.

2/ Rapport entre création et originalité :
D’une manière schématique, jusqu’au XVIII° siècle, la doctrine classique de l’imitation est dominante, la valeur de l’œuvre vient de sa conformité aux grandes œuvres du passé. A partir du XVIII° siècle et sous l’influence du romantisme allemand, l’œuvre littéraire est comprise comme une émanation de ce qui est propre à chaque individu, son génie. Cela ne signifie que nul ne fut original avant le XVIII° s et que nul n’imita au XIX° et XX° siècles mais que la valorisation, sinon la pratique de l’originalité est un concept récent.

3/ A qui appartient le texte littéraire ?
En France, ce n’est qu’en 1791 qu’une loi reconnaît à l’auteur un droit de reproduction exclusif sur son œuvre.

Le refus de l’individualité auctoriale n’est donc qu’une étape dans l’histoire du sujet littéraire. C’est au moment où l’originalité n’est plus compatible avec la reprise d’autres textes que l’intertextualité permet de penser, non pas tant la mort de l’auteur qu’une poétique qui rend compte d’un travail original sur le texte d’autrui.


Le réel perdu et retrouvé
Riffaterre ouvre la voie à une nouvelle conception du lien entre référence textuelle et référence au réel où la notion de modèle est beaucoup plus large et plus neutre. Alors on ne cherche plus, comme les Anciens, à imiter seulement l’excellence du texte et, partant du monde que représente le texte. On se contente de noter qu’il est difficile de séparer le monde et le texte, quelle que soit leur valeur. En fait, se référer au texte, c’est également se référer au monde et inversement. Le texte et le monde ne sont pas deux entités séparées. L’équivalence est directe et littérale : le monde est fait de d’écrits et donc la lecture est un moyen d’appréhension du réel. Inversement notre expérience littéraire est également filtrée par notre expérience du réel.
Ainsi l’intertextualité est un flux entre le réel et le livre plus qu’une fuite du réel dans le livre.


L’auteur, le monde et le sens
L’intertextualité interdit une interprétation qui se fonde uniquement sur l’auteur et sur le monde pour expliquer le texte littéraire. Car le sujet n’est plus dépositaire du sens de son énoncé : le sens circule d’un texte à l’autre, il n’est plus ce qu’a voulu dire l’auteur du texte premier mais il n’est pas non plus ce que veut dire l’auteur du second, il est le résultat d’une interaction entre les deux textes. La notion d’intertextualité n’a donc pas pour seule fonction de transgresser clandestinement la clôture du texte, elle ne sert pas non plus à confirmer la ruine des notions d’auteur ou de référence textuelle. Elle suppose un déplacement dans la conception même de l’interprétation littéraire : là où on interprétait le texte en fonctions des causes extérieures, selon un axe logico-temporel (le monde qu’il imite, l’auteur qui le construit, l’œuvre qui l’influence), il va falloir l’interpréter en fonction d’un réseau où il se trouve pris. L’intertextualité est une nouvelle manière de construire le sens mais qui se passe de l’idée d’écoulement temporel.


L’intertextualité comme herméneutique ou l’histoire littéraire dans tous les sens
Du lecteur à l’auteur
Dire que l’intertextualité est une herméneutique traduit l’idée qu’elle n’est pas le fait d’une interprétation, la construction d’un lecteur.
On peut se demande si la mise en jeu d’une intertextualité ne vise pas systématiquement un destinataire. Selon Bessière, l’intertextualité engage une rhétorique : elle est un effet voulu par l’auteur et appelle une reconnaissance et une compréhension par le lecteur. Elle ne se limite pas à une seule et impersonnelle sémantique qui jouerait dans le seul tissu du texte d’où le problème de la compétence du lecteur. Exemple de Queneau qui réécrit La Cigale et la Fourmi dans La Cimaise et la Fraction dans Littérature potentielle suppose qu’il s’adresse à un lecteur supposé connaître la version de La Fontaine. Sans cette compétence du lecteur, le poème sera jugé absurde et ne sera pas compris. Chaque auteur calcule non pas exactement le sens qu’il donne à l’intertexte mais plutôt la compétence qu’il exige de son lecteur entre l’ignorance totale de l’intertexte et la nécessité absolue d’une connaissance de cet intertexte.
Si l’intertextualité se transforme en ce défi herméneutique c’est qu’elle est œuvre d’un auteur mais surtout d’un interprète. Car l’écriture intertextuelle s’apparente au travail herméneutique car reprendre un texte c’est bien souvent avoir commenté ce texte. Exemple de Roubaud dont on ne peut comprendre la poétique qu’en étudiant au préalable la poétique de Desnos car le poème de Roubaud est le fruit d’une analyse critique de Desnos.
Plus qu’une dissémination du sens dans un tissu textuel, l’intertextualité est donc une forme de travail herméneutique, la lecture d’un auteur qui fait appel en retour à la compétence d’un lecteur.

Influence rétrospective
L’interprétation vise à établir un sens non pas absolu mais relatif à un contexte, elle permet de rendre lisible un texte dans un contexte donné. Une écriture intertextuelle influence sur le sens et le statut du passé, le transforme.
L’auteur du texte second renégocie l’autorité et la valeur du texte premier :
- soit en lui donnant le statut de texte fondateur
- soit en le rétrogradant au rang de simple précurseur
- soit qu’il rende risible le texte sacré ou renforce son autorité
Exemples de La Fontaine et d’Esope

La trace du futur
Chaque texte porte en lui la possibilité de son destin intertextuel.
Le texte possible, abandonné dans le passé de sa création peut être réactivé par un autre écrivain dans le futur. Exemple de L’Odyssée d’Homère – Télémaque de Fénelon et Ulysse de Joyce. Charles dans Introduction à l’étude des textes littéraires parle de texte fantôme, cette idée prend un nouveau sens : le texte est porteur de fantômes, ceux de textes possibles qu’il n’actualise pas et ceux des possibles contenus dans d’autres textes et auxquels il redonne vie. C’est dans le futur d’un texte que l’on peut comprendre l’amont de sa création.
Cette poétique de l’intertextualité s’articule autour de trois tendances :
- le manque : inachèvement et silences – Exemple de Manon Lescaut dont le lecteur connaît les apparences mais fort peu les sentiments
- la mise en relief de certains énoncés
- le potentiel : tous les moment où le texte sort de lui-même pour envisager son futur
Dans le travail de l’intertextualité, le sens ne se donne pas à travers un mouvement qui va d’une cause à un résultat : le nouveau texte existe déjà en puissance dans les textes antérieurs qui eux-mêmes voient leur sens modifiés pour chaque nouveau texte. C’est d’une interaction non d’une réaction que naît le sens.


Intertextualité, interprétation, immortalité
Si l’écriture intertextuelle est un modèle pour l’interprétation du texte littéraire, le commentateur ou le lecteur devra se placer dans une perspective où présent et passé interagissent l’un sur l’autre. On parle ainsi d’une immortalité de l’œuvre.
Une critique spatiale libérée de la linéarité invente des trajets entre les œuvres au lieu d’en faire un simple constat historique.
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